La remontée de l’Hudson et du Canal Champlain est une rupture. En un ou deux jours c’en est fini de l’eau salée, des vastes étendues plates, de la météo marine, des grandes résidences riches du bord de l’eau. Au contraire, nous voici au milieu de paysages vallonés, de forêts interminables parsemées de rares maisons, sous un plafond bas qui rappelle l’Ecosse.
Les ponts ne s’ouvrent pas, et il faut les passer en baissant la tête, ou presque. Les écluses se succèdent pour arriver jusqu’au Lac Champlain, et il faut se retrousser les manches pour tenir le bateau dans les remous.
Finies les marinas remplies de yachts rutilants. Ici, des bourgades offrent de loin en loin des quais d’escale aux plaisanciers de passage, gratuits, avec parfois même l’eau et l’électricité. Nous sommes toujours au début de la saison, en avance sur le plus grand nombre, et nous avons toute la place du monde. Un petit tour à pied permet de découvrir des petites villes qui souffrent, des magasins à louer, des maisons qui ont été belles mais qui ne sont plus entretenues comme elles le méritent, des centres sans grande ressource ni grande activité. Des souvenirs de navigation sur la Saône ou l’Yonne nous reviennent en mémoire.
Changement encore : la météo n’est plus faite de grands fronts qui font tourner le vent de façon à peu près prévisible, mais de trains d’orages qui peuvent être violents, qui avancent à toute vitesse, et qui font changer le temps en quelques heures. Notre dernière escale nous conduit à Vergennes, célébrant le comte du même nom qui a approvisionné les révolutionnaires en armes et en munitions au temps de la guerre d’Indépendance. Au pied de la chute d’eau, il y avait un chantier naval qui produisit des cannonières pour défaire les Anglais sur le Lac Champlain. Aujourd’hui, il y a parfois quelques pêcheurs… quand il ne pleut pas.
Dans quelques jours, le Canada. D’ici là, il faut finir nos provisions de légumes frais, fruits, vin qu’il est interdit d’importer… ou au prix de droits de douane énormes. Amis, buvons un verre…