La descente de la rivière Illinois, c’est d’abord la surprise du niveau de l’eau : il est anormalement bas pour la saison. Plaisanciers et professionnels, qui se partagent la rivière, doivent faire preuve d’adaptation.
Il n’a pas plu depuis pratiquement un mois, le gazon est jaune, le maïs a séché sur pied. On parle de 3 à 5 pieds “en dessous des normales saisonnières”. Les berges sont découvertes, les arbres qui ont d’habitude les pieds dans l’eau perdent leurs appuis et s’écroulent, les maisons qui sont prêtes à faire face aux pires crues ont l’air un peu ridicules, sur leurs pilotis.
Or nous comptions passer quelques nuits à l’ancre, le long du chemin. Mais 5 pieds en moins rendent de nombreux mouillages impraticables : ce bouquet d’arbres, d’habitude, c’est une île derrière laquelle se poser pour la nuit ; aujourd’hui, on peut traverser à pied sec.
Il faut alors se débrouiller : allonger certaines journées, ou jeter l’ancre en bordure de chenal… en restant groupés pour que les quelques convois de nuit nous repèrent plus sûrement.
De leur côté, les professionnels n’ont pas la vie facile. Leurs assemblages de grandes barges liées les unes aux autres sur 2 ou 3 rangs de large, et 4 ou 5 unités dans la longueur, sont difficiles à maneuvrer, surtout quand le chenal s’encombre de hauts-fonds. En ligne droite, c’est assez simple pour croiser : chacun tient sa droite, et tout se passe bien. Mais pour doubler, nous n’avons pas toujours la visibilité suffisante, et il faut alors appeler le pousseur par radio pour lui demander de quel côté il préfère nous voir passer. Le plus difficile, c’est quand on est dans un virage et sans visibilité : les convois de barges occupent parfois toute la largeur du chenal, et rien ne peut s’organiser sans l’accord des mariniers… quitte à nous arrêter pour attendre la fin de la manoeuvre, et passer à notre tour.
Enfin – est-ce aussi l’effet des basses eaux ? – certaines écluses sont en panne et/ou engorgées, avec des files d’attente qui peuvent atteindre plusieurs jours. Pour le moment, nous avons toujours profité du fait d’être en groupe, avec un négociateur en chef qui téléphone aux écluses à l’avance pour nous annoncer. Et finalement, chance et organisation nous ont permis d’éviter de rester coincés, et d’avoir seulement à attendre la fin de l’éclusée précédente. Pourvu que ça dure !
Il reste les marinas. Moins nombreuses, elles sont pratiquement un passage obligé pour les plaisanciers qui descendent vers le sud. Ca permet de retrouver, de proche en proche, des bateaux connus, et de négocier, autour d’un verre, qui repart et quand, pour à nouveau se présenter aux écluses en bande organisée.
La fin d’été est superbe, l’automne annonce ses couleurs.
Nous repartons demain… ou après-demain ?