Ca y est, nous avons quitté les eaux ouvertes des Grands Lacs pour entrer dans le système des rivières du centre du pays, les Inland Rivers comme on dit ici.
J’ai laissé des messages sur les portables de tous les Loopers présents à Hammond Marina, au Sud de Chicago pour trouver un « buddy boat », un bateau de compagnie avec qui faire route commune.
C’est comme ça que nous avons rencontré Ken et Ruth, qui, à bord de leur trawler « Horizons », vont commencer leur Loop et sont d’accord pour faire un petit convoi avec nous. Il s’agit d’avoir un peu plus de poids, à plusieurs bateaux, pour faire ouvrir les ponts et négocier les éclusages dans des voies d’eau chargées en trafic commercial, prioritaire – c’est bien normal – sur la plaisance.
Ken est préposé aux échanges sur la radio. C’est pour nous l’occasion d’apprendre les bonnes manières de s’adresser aux professionnels des rivières, qu’ils soient maîtres de ponts, maîtres-éclusiers ou commandants de remorqueurs. Et surtout d’essayer de les comprendre.
Au premier pont que Ken demande à ouvrir, nous sommes rejoints par un autre PDQ 34. Quelle bonne surprise ! Ce sont nos amis canadiens, Lesli et Don sur Soulstice. Nous les avions rencontrés à Napanee, Ontario quand, lors d’une virée en moto, ils avaient repéré notre catamaran et étaient venus faire notre connaissance. C’est la première fois que nous naviguons avec un autre PDQ 34.
Adieu les gratte-ciel et bienvenue dans l’environnement industriel de Chicago. Sur les berges défilent les usines chimiques, les cimenteries, les vracs solides de charbon et de sable. Les quais sont longés de grues et de barges en instance de chargement ou de déchargement. Certaines affichent le drapeau rouge, synonyme de matières dangereuses, explosives le plus souvent, comme le benzène.
Sur la rivière Calumet, nous croisons nos premiers remorqueurs. Nous rattrapons un bateau pousseur et son convoi de barges. A la radio, Ken demande poliment sur quel bord le doubler, bâbord ou tribord. La réponse est une suite de borborygmes terminée par un sifflement. Ce commandant a sans doute voulu nous impressionner en utilisant le code sonore des bateliers du lieu : un sifflement pour un passage sur son tribord et deux pour un passage sur son bâbord.
Une seule écluse est à notre programme de ce premier jour sur les rivières et nous la franchirons sans grande attente. Il en est de même pour les ponts que notre petit convoi fera ouvrir. Au passage, nous apprendrons notre première leçon de navigation avec le trafic commercial : il faut limiter les communications à l’essentiel. Inutile donc de demander l’ouverture de ponts en enfilade ; ils se préviennent les uns les autres. Inutile également de déranger un commandant de remorqueur à la manœuvre ; il donnera ses instructions de passage en temps utile.
Après une journée sous une chaleur caniculaire – le thermomètre affiche les 100 ° Fahrenheit -, nous atteignons Joliet. La ville offre aux plaisanciers le havre d’un mur équipé de prises électriques. Coincé entre deux ponts dont l’un ferroviaire et très usité, le mur de Joliet est une halte obligée mais bruyante car le trafic commercial ne s’arrête pas la nuit, pas plus que les trains de marchandises qui, ici, sifflent à chaque passage à niveau.
Pour rattraper une nuit que je prévois sans grand sommeil, j’ai déjà réservé une place dans la marina calme de notre prochaine étape, Ottawa… dans l’Illinois.