Fin du Canada, fin des eaux protégées du Lac Huron, fin des petits circuits tortueux entre les cailloux… En passant sous le Mackinac Bridge, nous entrons dans le Lac Michigan. Une nouvelle fois, un autre monde.

Il faut imaginer une vraie mer intérieure. Des espaces capables de générer leur propre climat. De grandes distances sans abri. Des calmes plats sous le soleil, mais aussi des vagues de plusieurs mètres que le vent peut lever en peu de temps, et il vaut mieux alors se trouver du bon côté de la côte !

Il faut maintenant gérer la météo pour éviter les coups fourrés. Concrètement, la première décision à prendre, c’est : suivre la côte à l’Est, côté Michigan, ou à l’Ouest, côté Wisconsin ? Naturellement, nous avons pioché la question depuis longtemps. Lu les bons livres, parlé aux gens de bateau qui connaissent la région. Et évidemment, chaque option a ses partisans inconditionnels, et ses avantages et inconvénients.

L’option Est est la plus évidente : à l’entrée du Lac Michigan, une série de baies et de ports abrités attirent la plupart des “loopeurs”. La cote Est comporte des “ports de refuge” toutes les 20 à 40 milles : ils sont équipés pour accueillir les bateaux en cas de gros mauvais temps. Et puis, les petites villes sont riantes, touristiques, les plages y sont belles, paraît-il (mais le sable n’est pas aussi fin qu’à Dinard, naturellement !).

L’option Ouest est plus… austère. Des escales pas toujours bien espacées, des petites villes plus industrielles, peu de visiteurs de passage… Mais c’est plutôt pour nous plaire. Nous préférons l’idée de rencontrer, à chaque escale, des têtes nouvelles curieuses d’échanger avec nous, plutôt que de retrouver les mêmes loopeurs pour le “docktail” du soir, avec leurs mêmes histoires. En plus, les vents sont supposés être dominants d’Ouest, et la côte Ouest devrait être plus abritée. Finalement, ce qui nous décide, ce sont les nouvelles de 7 “collègues loopeurs” restés à l’Est, coincés pendant 8 jours par le mauvais vent, juste avant nous.

Nous voici donc partis vers Naubinway, Manistique, Escanaba… Parfois, il est vrai, peu de monde dans les marinas – la saison se termine déjà. Les petites villes sont à la peine, les commerçants font feu de tout bois pour gagner leur vie, et les ressources sont assez… basiques.

Mais il y a aussi Escanaba, où nous nous arrêtons 2 jours pour laisser passer le mauvais temps qui s’annonce.

La marina est plus active, avec des bateaux présents pour la saison. Mais les visiteurs restent rares, et un couple vient aussitôt nous aider à nous amarrer… Surprise ! Bernard est français, aux Etats-Unis depuis 50 ans, voileux à l’ancienne, ravi de pouvoir entretenir son français autrement qu’en lisant La Charente Libre, comme tous les matins, sur son smartphone. Avec sa femme Susan, ils ont un bateau sur place, nous le visitons en détail. Nous finissons par un verre de vin sur Magic pour sortir les cartes et recueillir les meilleurs tuyaux sur la suite de la route.

Un peu plus tard, à peine la conversation engagée avec des voisins de ponton, deux personnes proposent de nous emmener en voiture faire des courses. Nous demandons une expertise à Vinette Boatyard, un chantier voisin, pour notre réservoir d’eau qui fuit ? Don, le propriétaire, se déplace alors que c’est samedi, et la consultation – gratuite ! – se termine dans les bières et les histoires de nos vies.

Nous ne partons que demain, et malgré la pluie prévue pour toute la journée, nous allons, évidemment, continuer à jouir de ces rencontres de passage, recueillir les conseils, discuter politique et ségrégation, et boire un coup en bonne compagnie.

La côte Ouest, pour les rencontres, c’était le bon choix. Pour la météo, ça reste à prouver, mais nous ferons au mieux !