C’est toujours avec une certaine appréhension que je franchis la frontière américaine. J’ai souvenir des “Stand behind the line ” hurlés à JFK lorsque le pied d’un visiteur en attente d’interview se posait par inadvertance sur la ligne jaune de démarcation.

Alors, je prépare notre passage d’arrache-pied et depuis plusieurs jours, je potasse le site des Customs and Border Protection afin d’être au clair sur les démarches.

J’ai rassemblé les documents requis, qu’ils concernent les passagers comme les passeports ou le bateau comme le certificat d’enregistrement ou le numéro de MMSI qui est associé à la station VHF.

J’ai payé, en ligne, la taxe de 27,50 dollars instituée par le Président Reagan en 1986 afin de faire supporter par les propriétaires de bateaux et avions privés une partie des coûts d’inspection par les services des Douanes.

Cette partie est administrative et facile.

Il en va différemment avec les produits alimentaires importables. J’ai étudié dans le détail la réglementation tatillonne qui concerne les viandes, œufs, produits laitiers, pain, légumes et fruits et produits dérivés. J’ai aussi interrogé les services douaniers par téléphone et obtenu des réponses de Normands « la plupart du temps, oui» ou « ça dépend ». J’ai établi une liste exhaustive des denrées alimentaires du bord et malgré la facilité du ré-approvisionnement au Canada, j’ai fait le choix de ne pas faire de courses de frais avant notre départ. Tant pis, nous mangerons des pâtes et des conserves.

Lundi matin, nous faisons route vers la marina de Drummond Island qui abrite un poste de douane. Avant de quitter notre dernier mouillage et d’entrer dans les eaux américaines, Jacques a hissé le pavillon jaune de quarantaine. Les douaniers prennent leur service à 10 h ; nous sommes en avance. Il nous est interdit de descendre du bateau et la marina n’est pas autorisée à faire le plein de carburant tant que nous n’aurons pas franchi la douane avec succès. Nous attendons patiemment mais non sans un peu d’anxiété.

Deux officiers des Douanes et de l’Immigration se dirigent vers Magic. Je ne peux m’empêcher de les comparer aux deux officiers de la douane canadienne, gilet pare-balles d’un côté, gilet de sauvetage de l’autre.

Depuis le quai où ils restent stationnés, ils démarrent l’interrogatoire de rigueur. Numéro d’immatriculation du bateau (il est affiché sur la coque, à babord et à tribord, c’est obligatoire !), dernière date d’entrée aux US, date d’entrée au Canada, durée du séjour au Canada (facile à calculer, non ? mais je n’ose le faire remarquer), motif du retour aux US, date prévue de prochaine sortie. Rien sur les provisions du bord.

Pour autant que nous restions dans la marina, nous sommes autorisés à quitter le bateau et même à faire du fuel. C’est bon signe. Le stress diminue. Ici, les moyens de contrôle sont limités : pas de photographie, pas d’empreintes. Il doit bien y avoir un ordinateur dans le petit bureau des douanes où les deux officiers embarquent nos passeports. Les voici de retour. Nous recevons un numéro de passage en douanes pour le bateau, écrit à la main sur un post-it jaune et une autorisation de séjour de 6 mois, matérialisée par un tampon et un petit carton blanc à retourner à l’immigration par l’intermédiaire de la compagnie d’aviation, lorsque nous quitterons le pays, en février prochain. 6 mois, c’est assez pour finir notre Loop.

Je mets les moteurs en marche et nous quittons la marina pour reprendre notre route. Les deux officiers, occupés à contrôler un autre bateau, prennent le temps d’un salut de la main lorsque nous les dépassons.

Nous entrons bientôt dans un banc de brume et le ciel se voile. Peut-être un effet de l’éclipse …