Le paysage que nous parcourons, si riche de nature, est aussi un paysage de maisons cachées sous les arbres, ou perchées sur les rochers. Presque chaque ile porte – au minimum – son “cottage”, ces résidences secondaires au bord de l’eau si prisées des canadiens. Traditionnellement, ce sont des maisons familiales simples qui permettent aux citadins de retourner à la nature, le temps des vacances ou des week-ends. La réalité moderne est plus compliquée…
D’abord, la simplicité d’origine a fait souvent la place à d’énormes résidences. Avec leurs pontons flottants permettant d’accueillir les bateaux (ou avions) familiaux, elles ne cachent plus leur opulence. Comme à terre, l’argent a préempté les plus beaux espaces, et les moins fortunés ne peuvent plus accéder au luxe des vacances privées les pieds dans l’eau. Encore que beaucoup de propriétaires sont conduits à louer leur cottage pour amortir l’effet des taxes.
De plus, on en est venu à une appropriation privée du domaine maritime (ou lacustre). Il devient très difficile de trouver un endroit où accoster, tout accès à la terre est de fait interdit. Quel dommage de ne pas s’être inspiré de la tradition indienne, qui considère que la terre ne peut être propriété privée, et ne peut être aliénée. C’est choquant pour un Français qui a la chance de bénéficier de l’accès public au domaine maritime, et de la Loi Littoral.
Parcs Canada a bien conservé la gestion de quelques espaces. Il y a bien quelques réserves indiennes, ici ou là, qui empêchent l’extension illimitée de cette appropriation. Il y a aussi une association, le Georgian Bay Land Trust, qui a commencé à réunir des soutiens pour racheter des terres et les rendre au public. Elle s’appuie ausi sur des incitations fiscales pour obtenir des propriétaires privés un engagement de laisser une partie de leurs îles retourner à l’état de nature sans intervention, et à perpétuité. Mais sur le terrain, les résultats sont… une goutte d’eau dans la Baie.
Enfin, difficile pour nous de savoir comment ces cottages sont équipés en installations sanitaires. Sous une couche de terre peu épaisse, le sol est fait de granite : impossible de creuser des citernes ou des fosses septiques. Il ne semble pas y avoir de stations de récupération des eaux usées, comme pour nos bateaux. Les propriétaires sont-ils attentifs à ne rejeter que des produits biodégradables ? D’ailleurs, les trouveraient-ils dans les supermarchés courants ? Par exemple, les détergents de machine à laver ne sont pas soumis aux lois limitant l’utilisation des phosphates, ce qui fait que chaque lessive à la machine évacue de l’eau chargée en phosphates dans – au mieux – la fosse septique.
Il nous reste tous ensemble tellement de chemin à faire, de règles à changer, de discipline à instaurer, de sacrifices à accepter, d’inégalités à réduire pour arrêter notre course stupide, que je doute fort que nous y arrivions.
C’était la minute pessimiste du père JK. Mais rassurez-vous, demain est un autre jour ! En attendant, quelques beaux cailloux sans cottage, pour le plaisir…