Les connaisseurs de la Baie de Chesapeake nous l’avaient vantée. Les guides de navigation juraient qu’elle valait le détour. Authentique village de pêcheurs, “crab cakes” à se damner… C’était presque sur notre route, pourquoi ne pas aller y voir ? Mais ce sont la déception et la tristesse qui l’ont emporté.
Notre “dockmaster” du jour – Milton – avoue 86 ans. Et il nous arrête : “Je n’aime pas qu’on me félicite pour mon âge.” On le fait quand même, et il est plutôt content : “Je suis tombé, je me suis fait mal à la hanche, j’ai dû aller à l’hôpital. Ils m’ont gardé 5 jours. Après, j’ai eu 35 jours de soins de convalescence. J’ai failler craquer, j’ai bien cru qu’il faudrait qu’ils me traitent aussi pour les nerfs !”.
De fait, le village a un abord de carte postale. Les bâteaux de pêche, les casiers colorés, la circulation où dominent les voitures électriques. Alors, à peine amarrés, nous voici partis – à pied naturellement – pour faire le tour de l’île. Et là, c’est un visage bien différent : beaucoup de maisons sont mal entretenues, vieux vélos ou débris de construction sont laissés en vrac, là où le destin les a conduits. La déchetterie voisine avec la “marina”, les mobile homes concurrencent les maisons anciennes, les “golf carts” fatiguées portent des gens qui feraient mieux de marcher.
D’après Milton, la population est passée de 1400 à 800 personnes dans les années récentes. A part la pêche, de quoi peut-on vivre ? Et encore, la pêche se meurt, paraît-il. Il reste 2 restaurants et une épicerie. Le tourisme ? Il faudrait s’organiser, faire venir le gens de la Baie. Sans compter que l’alcool est interdit sur l’île, ce qui doit limiter sérieusement l’attraît pour les touristes, même si c’est peut-être ce qui a sauvé une partie de la population.
Au bout du tour de l’île, au lieu de distribuer les bonjours au passage, on a envie de crier : “Mais faites quelque chose ! C’est à vous de bouger ! Commencez donc par organiser entre vous une journée ou deux de grand nettoyage des carcasses de pneux, de bateaux, de vélos, de parpaings !”.
L’île semble vouée à une mort lente, et elle donne l’impression d’y être résignée. Y a-t-il un sauveur dans la salle ? Dépêchez-vous, pendant ce temps, l’eau monte…