Dans les guides, c’est un petit bourg intéressant : il a une marina accolée à une ancienne grande maison patricienne, gloire historique locale ; il a un dock public gratuit ; il a un “hardware store” – une quincaillerie-bazar-droguerie où on trouve de tout, y compris quelques accessoires de marine ; et surtout, surtout, un excellent restaurant. Certains clients, paraît-il, font deux ou trois heures de route pour venir s’y régaler.
Nous avons décidé d’aller vérifier tout ça. La réalité est un peu décevante. La marina est loin du centre. Le dock gratuit est délabré, et ses pontons sont noyés sous les fientes des oiseaux qui les ont pris pour domicile. Le hardware store vend effectivement de tout, mais surtout des accessoires de décoration (?) pour la maison. Le centre ville fait environ 2 blocs sur 2. Au delà, c’est déjà la banlieue. Côté rivière, la banlieue chic, de belles maisons, des chats bourgeois sur les pelouses vertes. Côté terre, la banlieue moins chic, des vieilles voitures sur les pelouses jaunes. Un musée, fermé. Un bureau du tourisme, à côté du commissariat de police, mais fermé lui aussi. Vision lointaine de la zone industrielle, une vieille usine avec des silos délabrés qui n’ont plus servi depuis longtemps. Des belles banques quand même, et des cabinets d’avocats.
Heureusement, il y a le restaurant. Il s’appelle Spoon River. Grande salle, les convives ont fait des efforts de tenue, des femmes portent des robes à fines bretelles qui glissent sur leurs épaules. La dame de l’accueil est plus grande que moi et me hurle dans les oreilles que notre table est prête. Huitres chaudes sous une croûte de chair de crabe pour Nelly, entrecôte aux petites patates pour moi. C’est bon, mais comme souvent pour nos goûts étrangers, c’est trop à manger, c’est trop de décors et d’accessoires et de goûts mélangés qui finissent pas masquer celui du produit originel.
Tout le monde est adorable avec nous dès que le bouche à oreille transmet que nous sommes français – des vrais, venant de France, pas des vulgaires québécois – et que nous sommes de passage en bateau. La “maison” nous offre un tiramisu, la propriétaire vient nous remercier chaleureusement d’être venus, et la grande dame de l’accueil, qui avait délaissé son service pour s’asseoir avec nous au dessert et nous raconter son Paris et ses enfants, nous rattrape à la sortie pour nous claquer 2 bises, des vraies.
Belhaven, finalement, ça mérite le détour !