C’est l’heure de lever l’ancre et de quitter Russell Passage pour traverser le Golfe du Mexique, vers Marathon et les Keys.

Nous retrouvons nos postes respectifs : Jacques, à la remontée de l’ancre, coordonne les opérations depuis le pont ; aux manettes, sur le pont supérieur – le flybridge – je dois maintenir le bateau au-dessus de l’ancre pendant l’opération.

Soudain l’ancre refuse de remonter. Entre deux eaux apparaît une souche d’arbre de près de trois mètres qui, portée par le courant, est venue s’emprisonner sous nos coques. La chaîne et la bridle – l’amarre qui retient la chaîne de l’ancre – sont largement enchevêtrées tout autour.

Jacques est à la manœuvre, allongé sur le pont avant à tirer la chaîne d’ancre ou penché au-dessus d’une coque à jouer de la bridle comme d’une lourde corde à sauter.

Il jette l’ancre secondaire sur notre tribord pour tenir le bateau au cas où la souche viendrait à basculer et se libérer d’un seul coup. Mais elle résiste et refuse de céder.

Tantôt la chaîne de l’ancre est remontée pour étudier ses circonvolutions autour de la souche. Tantôt au contraire, il s’agit de la laisser filer pour la libérer progressivement de ses nœuds.

Deux heures ont passé. Je commence à songer, dans ma tête, aux sociétés d’assistance, SeaTow et BoatUS. Jacques, lui, envisage de mettre le zodiac à l’eau pour être au niveau de la souche. Il n’est pas question de renoncer à se sortir seuls de cette sale situation. Il est prêt à enfiler masque, tuba et palmes et plonger.

Les tentatives sont nombreuses et longues pour arriver, par des mouvements successifs et répétés, à dégager le bateau. Il faudra au total près de trois heures pour libérer Magic.