Non, ce n’est pas ce que vous croyez. DragQueen est une application qui utilise le GPS pour surveiller la position du bateau à l’ancre. Si le vent ou le courant font dériver le bateau sournoisement dans la nuit, l’application lance une alarme qui réveille l’équipage en urgence : il peut réagir avant d’être drossé sur les rochers. Mais ce n’est pas non plus de technique nautique que je voudrais parler…

Depuis notre arrivée, nous ressentons au quotidien, ici, une sorte de faiblesse culturelle, un sentiment que le monde entier tourne autour de l’Amérique, un manque de curiosité ou de compréhension à l’égard de ce qui est étranger. Il n’y a pas grand questionnement, sur des sujets aussi immédiats que la nourriture, ou aussi complexes que les systèmes de santé comparés.

Nous le savions déjà, mais les rappels, ici, sont fréquents. Le brave gars qui n’a pas voulu que son fils apprenne l’espagnol, parce qu’il voulait qu’il apprenne une 2ème langue européenne. La dame qui va voter Trump pour que l’Amérique redevienne ce qu’elle était, bien que le traitement de son cancer lui pompe ses économies au rythme de $16,000 par semaine, non couverts par son assurance maladie. Michaël Moore dit tout cela bien mieux, et surtout avec la légitimité d’être américain.

Pour revenir à la dérive de l’ancre : la dérive c’est que quand la nature est rude, le pays immense, les cultures si variées, et l’esprit critique en panne, il n’est pas étonnant qu’on s’appuie sur l’autorité pour faire face à l’avenir. La météo, c’est “Be prepared!”. La sécurité, c’est “Si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre”.

Je critique les autres, mais la critique s’adresse surtout à notre propre dérive, en Europe : nous prenons ce modèle nord-américain comme référence, nous oublions notre propre esprit critique, nos préférences culturelles, notre fierté d’Européens. S’il faut avoir honte de quelque chose, c’est de ne pas avoir entendu beaucoup de Paul Magnette pour poser sérieusement des questions sérieuses.

320x240-mouillagePour nous, retraités luxueux au soleil, l’important est de ne pas perdre la discipline de la pensée. Appuyons-nous sur Louis-Sébastien Mercier (auteur, entre autres, de “L’An 2440, rêve s’il en fut jamais” – 1770) : “Car le plus beau présent que l’homme puisse faire à l’homme, c’est la pensée. Parce qu’une pensée, dans l’ordre de l’infini, est toujours la clé d’une autre pensée ; et les pensées, quoiqu’infinies en nombre, se tiennent toutes entre elles. Laisser échapper une pensée, c’est perdre un trésor. Tyranniser la pensée est un attentat contre le genre humain.“. Une belle pensée à cultiver dans un prochain mouillage… pourvu que l’ancre tienne !